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Les Carnets de Steiner Le blog d'un artiste peintre qui ne sait pas où il va, mais qui y va quand même. Mes humeurs, mon travail en cours, mais également des informations sur la technique et le processus créatif.

Série rouge et noire: genèse (ou presque)

Narcisse Steiner

Ma série actuelle gonfle gentiment. Je totalise 6 oeuvres et j'aimerais en peindre le double, je pense que je peux raisonnablement en peindre autant avant d'estimer le sujet exploité.

Quel sujet d'ailleurs?

 

La première, intitulé "BBIWY", m'a été inspiré par les caméras de surveillance. Certains y voient un criquet, d'autre un femme marchant vers un solel couchant ou encore un homme attendant le métro... Ca ne me vexe pas, je suis curieux de connaitre l'interprétation de ma peinture vue par d'autres. C'et assez nouveau pour moi, en passant à l'abstrait, j'ai décidé de mettre de côté l'interpretation imposée de mes toiles figuratives. Voilà: je ne suis pas dans un démarche d'évocation, ce n'est pas mon but en peignant cette série. Je cherche le lien brut, primaire, originel qui existe entre l'oeuvre et le spectateur. C'est comme ça que j'envisage l'abstrait, parce que c'est comme ça que j'ai pu l'aborder sereinement.

J'ai ue beaucoup de mal à apprécier cette forme d'art, comme beaucoup, j'y cherchais un sens à tout prx. Parfois il faut metre sa raison de côté pour... comprendre? Non, comprendre est un concept trop fermé pour ce que j'essaye de faire passer. Je pense que le ressenti est plus juste dans ce cas.

 

Ce que j'apprécie dans une oeuvre abstraite, ce n'est pas tant le sens que je lui donne - en général, je n'en cherche pas - mais plutôt sa "force d'impact" comme je l'appelle. La force d'impact, c'est quelque chose de presque tangible chez moi, c'est lorsque ma rétine imprime le graphisme de l'oeuvre, que mon cerveau reptilien l'analyse de façon brute, sans compromis, sans les parasites de la réflexion. Dans ce contexte, une oeuvre me parle ou ne parle pas, pour ainsi dire sans juste milieu.

 

L'abstrait permet cette communication directe, parce que notre perception n'est pas  court-circuité par l'interprétation de la figuration; la première chose qu'on ressent, c'est la forme, le contraste, la couleur. Notre cerveau analyse suffisament vite les informations pour nous donner l'impression de comprendre alors qu'on est à peine conscient de la perception.

C'est ce lien que je cherche à peindre.

 

Bien entendu, ma peinture ne se fait pas toute seule et, volontairement ou non, elle inclu des éléments qui font appel à ma propre expérience, à mes goûts. Et parfois même, il s'agit clairement de références directes, digérées, assimilées comme des formes créant ainsi ma propre "grammaire" picturale.

 

Je vais être tout à fait honnête en révélant certaines de ces influences, du moins celles dont je suis conscient.

La série "à l'oeil rouge" fait directement référence aux univers sci-fi et steampunk qui me sont si chers. La sphère rouge, élément récurrent de cette série fait avant tout référence à un "personnage" emblématique de tout fan de science-fiction: j'ai nommé HAL 9000, l'ordinateur de bord intelligent de 2001, l'Odyssée de l'espace, écrit par Arthur C. Clark et porté à l'écran par Stanley Kubrick.

 

http://people.ict.usc.edu/~pynadath/images/hal-9000-eye.jpg

Dans le livre et le film, HAL est uniquement représenté par cette "oeil" rouge, ainsi que par sa présence vocale. HAL est devenu le symbole de l'intelligence artificielle au cinéma car ce "personnage" est l'un des premier à émettre l'idée qu'une IA pourrait avoir conscience de sa propre existence et donc avoir des sentiments.

 

Plus proche de nous, la sphère rouge peut évoquer l'excellent jeu vidéo Bioshock 2. Ceux qui y ont joué se souviennent sans doute des combats épiques contre les Grandes Soeurs, jeunes femme génétiquement modifiées et protégées par une armure basée sur les anciens scaphandres marins. Le casque, noir et sphérique, semble être éclairé de l'intérieur par une lumière rouge.

 

http://www.wallpaperez.info/wallpaper/games/Bioshock-2-1892.jpg

 

Ses formes élancées, ses armes acérées intégrées à une combinaison noire ont sans doute également influencé les touches effilées de mes coups de couteaux.

 

Les interprétions sont nombreuses, chacun en fera la sienne. Pour ne pas me contredire (par rapport à ce que je disais avant, sur ma volonté de court-circuiter l'interprétion pour privilégier la forme brute), je dirais que je n'ai pas pensé à HAL ou aux Grandes Soeurs lorsque j'ai peins cette série; je les considère comme des "évènement marquants" qui m'nt poussé à les résumer, en quelque sorte, à ce qui est le plus représentitif de ces entités. A aucun moment il ne s'agit de peindre ces personnages.

 

Concernant la structure des tableaux, on s'accorde à dire, autour de moi, qu'il y  une dimension très urbaine. La plus évidente pour moi, ce sont les décors typiques des illustration orientées steampunk ou fantasy: agglomérats de structures métalliques, de passerelles rouillées instable, enchevêtrements de câbles au coeur d'une citée lépreuse...

 

http://fc01.deviantart.net/fs31/i/2008/198/f/a/Concept_Package_Town_Square_by_frankhong.jpgArtiste: Frank Hong

 

Steampunk, cité industrielle, machines complexes... tout ça n'est sans doute que la cristalisation du décor de la ville où j'ai grandi, Calais, ville portuaire dont les grues sur les docks m'ont longtemps fasciné étant gamin.

 

http://jdb.marine.defense.gouv.fr/public/bda/Quai_Paul_Devot.JPG

 

 

La dernière influence notable tient plus de l'approche technique que de l'influence visuelle.

Pour commencer, même si mes supports sont déjà enduits de blanc, je passe toujours deux nouvelles couches croisées de peinture blanche, rituel me permettant de m'approprier le support et ainsi éviter de me lancer précipitamment dans la peinture à proprement parler.

Le noir est appliqué uniquement au couteau, en général le même pendant toute la peinture, dans ce style-là:

http://www.creastore.com/images/GCP1.jpg

 

Il y a quelque chose de calligraphique dans mon travail, en tout cas en ce qui concerne l'irrémédiabilité du geste et la recherche d'un certain équilibre entre blanc et noir (fond et forme). Chaque geste, chaque coup de couteau est réfléchi. Je ne reviens jamais au blanc par dessus un trait malencontreux.

Je ne mélange pas le blanc et le noir, je cherche un contraste absolu: les seuls dégradés sont réalisés à la bombe, en utilisant généralement un cache ou un morceau de résille (en pochoir).

 

 

http://salondulivredebiarritz.hautetfort.com/media/01/02/132698622.jpg

 

Ce qui me plaît dans ce travail, c'est que je ses précisément le moment où la peinture est terminée. Un coup de couteau de trop et c'est le drame.

 

J'ajoute l'oeil rouge en général au deux tiers de ma peinture, une fois le squelette de l'oeuvre posé. Il s'agit simplement d'un coup de bombe rouge, rehaussée d'un coup de bombe blanche. Il n'y a pas de recette fixe pour l'oeil, ça dépend du moment. J'achève ensuite le travail du noir en fonction de ce que la tâche rouge ajoute à la compo générale.

 

Voilà, en quelques mots, comment se passe l'essentiel du travail. Pour conclure, je vous poste simplement une image réalisée à la tablette graphique par un artiste sur DeviantArt, que j'ai depuis longtemps dans ma collection de favoris. Cette peinture digitale combine presque tout ce que j'ai évoqué ici. Amusant.

 

http://fc09.deviantart.net/fs7/i/2005/188/d/8/robot_rising_by_dreaz.jpg

"Robot Rising" par Andreas Normand Gr�ntved.

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Commentaires
O
<br /> Bon, j'ai pas de compétence pour en dire plus que Philippe Beckman et Stoni; j'ai vaguement l'impression qu'ils ont bien cerné la question, c'est tout.<br /> L'oeil rouge me plaît. Chose à voir ou allusion au fait d'être vu, référence au monde avant le big bang, à la vie ou au contraire à une menace de mort, ou plutôt pas référence mais aboutissement<br /> puisque l'émotion et la sensation métaphysique sont premières par rapport à leurs illustrations figuratives, je n'en sais rien, mais j'aime le regarder.<br /> <br /> J'avoue cependant que j'ai été sidéré et fasciné prioritairement par le décor urbain de Frank Hong. Je ne sais pourquoi mais j'adore ce genre d'univers et de dessin. Et encore, le verbe est faible.<br /> Fascination plutôt, envoûtement... Emotion indéfinissable.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> putain c'est passionnant tout ça !<br /> <br /> Déjà Narcisse je te remercie d'avoir répondu à ma question. En fait, c'est comme en littérature, c'est du politico-mondain. je sais c'est chiant.<br /> cela dit quand tu précises que la galerie te pompe 50% du revient des tes ventes, ça ne me choque pas tant que ça. Je touche 8% du prix vente d'un livre (avant cotisations sociales, CSG RDS,<br /> sécurité sociale des auteurs-artistes, etc...). Ce qui donne, grosso merdo par bouquin : 1 500 € brut. Le reste est pris par le libraire, le distributeur/diffuseur (qui lui prend un bon 50 %) et<br /> l'éditeur entre 20 et 30%. C'est y pas beau tout ça !!<br /> <br /> Hier j'ai regardé le Palettes sur le Nu descendant un escalier, et ce que j'ai appris c'est que c'est du figuratif ! Puisque c'est un nu descendant un escalier ! le mouvement est certes décomposé,<br /> mais enfin bon.<br /> <br /> En effet j'ai lu le commentaire de Philippe Beckman. Pour le profane, néanmoins, la conclusion parait tautologique (je me permets de résumer grossièrement et bien moins intelligemment que<br /> l'original) :<br /> la personne qui n'est pas habituée à l'abstrait cherche à voir du figuratif<br /> la personne qui est initiée à l'abstrait s'intéresse à la sensation que lui procurent les couleurs, les formes, la matière, etc.<br /> eh bien dans les deux cas on revient au même : au message. le dessin a le même sens que le mot : il véhicule une notion. Van Gogh peint sa chambre pour signifier l'idée de calme, de repos et<br /> d'apaisement (oui j'ai regardé le Palettes là-dessus). si je ressens ces mêmes notions en regardant une peinture abstraite, je ne vois pas tellement la différence. on reste dans la communication.<br /> finalement, on retourne dans le giron du politique humain : le verbe. au commencement était le verbe.<br /> l'abstrait, c'est comme si tu balances le mot : "paix", au lieu de faire une narration autour du mot "paix' ce qui est le cas du figuratif.<br /> je ne dis pas que c'est moins intéressant comme démarche, mais ça a la même finalité.<br /> <br /> <br />
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N
<br /> "C'est vrai, seulement ça me fout une pression terrible, dans un autre genre: si je fais de la merde en peignant ce qui est vraiment moi, c'est peut être que je suis vraiment mauvais? Ce n'est plus<br /> le combat pour être meilleur que l'autre, maintenant il s'agit d'être meilleure avec soi même... "<br /> <br /> Meuh non, si tu fais de la merde, occasionnellement, c'est juste que tu n'as pas réussi à faire ce que tu voulais faire, c'est tout. Et tu réussiras une prochaine fois.<br /> <br /> Il te faut maintenant arriver à te juger sur la durée, et pas sur l'instant, et surtout, surtout, ne pas faire de ce jugement un élément d'auto-dévalorisation mais seulement une synthèse te<br /> permettant de tirer le meilleur de toi-même.<br /> <br /> Ouh là, il est tard, je fais des phrases trop longues, j'arrive même pas à me relire °_°<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Salut Narcisse, je te ressort un vieux truc que j"ai pondu il ya 2 ans je crois...à propos de l'abstrait:<br /> <br /> Toute œuvre d'art doit avoir un fondement spirituel - un fond métaphysique - pour être complète.<br /> L'abstraction est la métaphysique de la peinture - qu'elle soit à l'origine d'une peinture naturaliste ou qu'elle apparaisse dans toute sa pureté.<br /> Peindre abstrait c'est décrire la vie des couleurs, leur conformité aux lois de la nature, leur rythme et leur forme.<br /> Pour créer et comprendre l'art abstrait il faut avoir saisi le mécanisme des lois qui régissent les couleurs - les rythmes - la forme.<br /> Ce sont les même lois que l'on rencontre partout dans la nature. La seule différence est que dans l'art abstrait la forme et la couleur ne sont plus un moyen d'exprimer une réalité matérielle,<br /> elles essaient au contraire de créer une réalité qui leur est propre par les qualités qui leur sont spécifiques et, paradoxalement, par les mêmes moyens qui régissent les lois de la nature, tout en<br /> exprimant le contraire.<br /> Donc : L'une des règles de base est de trouver - comprendre - dans quelle forme la couleur atteint sa plus forte expression, et à travers quel rythme et quelles combinaisons de formes et de<br /> couleurs on obtient de nouvelles formes et de nouvelles couleurs - et leur signification , et comment à nouveau celles-ci atteignent leur plus forte expression dans le cas spécial de chaque tableau<br /> - et comment elles sont en même temps subordonnées au tout.<br /> Anna-Eva Bergman (extrait des carnets)<br /> <br /> <br /> pratiquer "l'abstrait", je pense est un bon exercice pour appréhender et comprendre la "matière", même pour un peintre "figuratif", je crois que l'expérience est bénéfique, et peut apporter un<br /> nouvel éclairage dans sa maniére d'appréhender le traitement des sujets en figuration.<br /> <br /> Dans l'absolu, l'abstraction suggère le macrocosme et/ou le microcosme d'une même réalité transmissible par la figuration...<br /> <br /> Au début, je n’y avais pas pensé. Pour moi, peindre, c’était être heureux. Peu à peu j’ai découvert que l’énergie dégagée par la couleur et le geste était plus importante ( pour moi) que la<br /> ressemblance avec , un portrait,une forme physique, un paysage.<br /> Après une phase de transition "figuratif-abstrait" Mes tableaux sont devenus abstraits en oubliant leur point de départ.<br /> <br /> <br /> ...Cela s'impose de soi-même, inconsciemment, sauf que pendant l'acte de peindre, on pense "abstrait", équilibre des masses, harmonie des couleurs...etc, recherche d'un effet, il n'est plus<br /> question de quelque chose de "visible", on est comme "habité" par la peinture, on se fond dans la toile, sorte de songe éveillé...j'ai du mal à trouver les mots...il y a un lacher, certes mais<br /> guidé, une prise de risque maximum, un voyage interne qui prend forme...la toile devient palette...c'est un exercice intense et épuisant qui ne pardonne pas "l'erreur".<br /> <br /> Après une longue période d'incubation, il faut que ça sorte,les premiers gestes et couleurs en appellent d'autres, ce qui était encore confus dans l'esprit, prend forme dans la matière, l'esprit se<br /> libère sur la toile de ce qu'il ne peut exprimer par le verbe ou la figuration et devient langage à part entière, dans une sorte de dialogue interne entre la main et l'esprit, l'esprit et la main<br /> ne faisant plus qu'un absorbés par la toile en devenir, jusqu'à ce que "l'effet" se révèle enfin.<br /> véritable expression d'un état d'être de l'instant.<br /> <br /> maintenant, c'est vrai, il y a au moins 2 façons de regarder une toile abstraite, soit on veut absolument y déceler quelque chose de figuratif : c'est le cas le plus souvent de ceux qui ne sont pas<br /> habitué à l'abstrait....et on zappe souvent de fait l'essentiel du ressenti de la compo...<br /> Soit on ne cherche pas à y voir d'éléments figuratifs, et on s'en tient à l'émotion que suscite (ou pas... ), l'harmonie des formes, des couleurs, des tons, la répartition des masses, la force, le<br /> mouvement, etc...ce ressenti peut etre positif ou négatif, mais il existe.<br /> <br /> un abstrait peut exprimer de la violence, comme de l'apaisement et cela, sans y voir de figuratif, juste l'atmosphère que la toile dégage.<br /> Cette atmosphère ne sera au rendez-vous que si le peintre a voulu en respectant la "logique", traduire ce sentiment.<br /> <br /> <br /> Voilà.....ça m'empêche pas de faire et d'apprécier le figuratif, bien au contraire!<br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Ce texte, oui;, je l'ai lu sur un defunt forum, me semble-t-il. Je suis en partie d'accord avec son contenu, c'est bien résumé mais peut être un poil trop intellectualisant. Mais je le répète, je<br /> suis en total accord avec le fond; mais l'expliquer me paraît superflu. Une fois qu'on le nez dans l'abstrait et qu'on commence à y avoir ses marques, ses mécanismes je dirais, ça paraît<br /> tellement évident...<br /> <br /> <br /> En tout cas merci de ton passage Philippe!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> PS: Stoni, ce texte est ne excellente base de réflexion, pour toi qui te penches sur la question ;)<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> Et bien voilà, ça me conforte dans mon sentiment : dès lors qu'on peint/dessine/sculpte/etc... en fonction de ce qu'on est vraiment, ça fonctionne, le courant passe, ça sonne juste.<br /> Peu importe le sujet, peu importe la technique, c'est le "vrai" qu'on ressent et qui nous touche.<br /> Autrement dit : continue comme ça :)<br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> C'est vrai, seulement ça me fout une pression terrible, dans un autre genre: si je fais de la merde en peignant ce qui est vraiment moi, c'est peut être que je suis vraiment<br /> mauvais? Ce n'est plus le combat pour être meilleur que l'autre, maintenant il s'agit d'être meilleure avec soi même...<br /> <br /> <br /> <br />