Série rouge et noire: genèse (ou presque)
Ma série actuelle gonfle gentiment. Je totalise 6 oeuvres et j'aimerais en peindre le double, je pense que je peux raisonnablement en peindre autant avant d'estimer le sujet exploité.
Quel sujet d'ailleurs?
La première, intitulé "BBIWY", m'a été inspiré par les caméras de surveillance. Certains y voient un criquet, d'autre un femme marchant vers un solel couchant ou encore un homme attendant le métro... Ca ne me vexe pas, je suis curieux de connaitre l'interprétation de ma peinture vue par d'autres. C'et assez nouveau pour moi, en passant à l'abstrait, j'ai décidé de mettre de côté l'interpretation imposée de mes toiles figuratives. Voilà: je ne suis pas dans un démarche d'évocation, ce n'est pas mon but en peignant cette série. Je cherche le lien brut, primaire, originel qui existe entre l'oeuvre et le spectateur. C'est comme ça que j'envisage l'abstrait, parce que c'est comme ça que j'ai pu l'aborder sereinement.
J'ai ue beaucoup de mal à apprécier cette forme d'art, comme beaucoup, j'y cherchais un sens à tout prx. Parfois il faut metre sa raison de côté pour... comprendre? Non, comprendre est un concept trop fermé pour ce que j'essaye de faire passer. Je pense que le ressenti est plus juste dans ce cas.
Ce que j'apprécie dans une oeuvre abstraite, ce n'est pas tant le sens que je lui donne - en général, je n'en cherche pas - mais plutôt sa "force d'impact" comme je l'appelle. La force d'impact, c'est quelque chose de presque tangible chez moi, c'est lorsque ma rétine imprime le graphisme de l'oeuvre, que mon cerveau reptilien l'analyse de façon brute, sans compromis, sans les parasites de la réflexion. Dans ce contexte, une oeuvre me parle ou ne parle pas, pour ainsi dire sans juste milieu.
L'abstrait permet cette communication directe, parce que notre perception n'est pas court-circuité par l'interprétation de la figuration; la première chose qu'on ressent, c'est la forme, le contraste, la couleur. Notre cerveau analyse suffisament vite les informations pour nous donner l'impression de comprendre alors qu'on est à peine conscient de la perception.
C'est ce lien que je cherche à peindre.
Bien entendu, ma peinture ne se fait pas toute seule et, volontairement ou non, elle inclu des éléments qui font appel à ma propre expérience, à mes goûts. Et parfois même, il s'agit clairement de références directes, digérées, assimilées comme des formes créant ainsi ma propre "grammaire" picturale.
Je vais être tout à fait honnête en révélant certaines de ces influences, du moins celles dont je suis conscient.
La série "à l'oeil rouge" fait directement référence aux univers sci-fi et steampunk qui me sont si chers. La sphère rouge, élément récurrent de cette série fait avant tout référence à un "personnage" emblématique de tout fan de science-fiction: j'ai nommé HAL 9000, l'ordinateur de bord intelligent de 2001, l'Odyssée de l'espace, écrit par Arthur C. Clark et porté à l'écran par Stanley Kubrick.
Dans le livre et le film, HAL est uniquement représenté par cette "oeil" rouge, ainsi que par sa présence vocale. HAL est devenu le symbole de l'intelligence artificielle au cinéma car ce "personnage" est l'un des premier à émettre l'idée qu'une IA pourrait avoir conscience de sa propre existence et donc avoir des sentiments.
Plus proche de nous, la sphère rouge peut évoquer l'excellent jeu vidéo Bioshock 2. Ceux qui y ont joué se souviennent sans doute des combats épiques contre les Grandes Soeurs, jeunes femme génétiquement modifiées et protégées par une armure basée sur les anciens scaphandres marins. Le casque, noir et sphérique, semble être éclairé de l'intérieur par une lumière rouge.
Ses formes élancées, ses armes acérées intégrées à une combinaison noire ont sans doute également influencé les touches effilées de mes coups de couteaux.
Les interprétions sont nombreuses, chacun en fera la sienne. Pour ne pas me contredire (par rapport à ce que je disais avant, sur ma volonté de court-circuiter l'interprétion pour privilégier la forme brute), je dirais que je n'ai pas pensé à HAL ou aux Grandes Soeurs lorsque j'ai peins cette série; je les considère comme des "évènement marquants" qui m'nt poussé à les résumer, en quelque sorte, à ce qui est le plus représentitif de ces entités. A aucun moment il ne s'agit de peindre ces personnages.
Concernant la structure des tableaux, on s'accorde à dire, autour de moi, qu'il y une dimension très urbaine. La plus évidente pour moi, ce sont les décors typiques des illustration orientées steampunk ou fantasy: agglomérats de structures métalliques, de passerelles rouillées instable, enchevêtrements de câbles au coeur d'une citée lépreuse...
Artiste: Frank Hong
Steampunk, cité industrielle, machines complexes... tout ça n'est sans doute que la cristalisation du décor de la ville où j'ai grandi, Calais, ville portuaire dont les grues sur les docks m'ont longtemps fasciné étant gamin.
La dernière influence notable tient plus de l'approche technique que de l'influence visuelle.
Pour commencer, même si mes supports sont déjà enduits de blanc, je passe toujours deux nouvelles couches croisées de peinture blanche, rituel me permettant de m'approprier le support et ainsi éviter de me lancer précipitamment dans la peinture à proprement parler.
Le noir est appliqué uniquement au couteau, en général le même pendant toute la peinture, dans ce style-là:
Il y a quelque chose de calligraphique dans mon travail, en tout cas en ce qui concerne l'irrémédiabilité du geste et la recherche d'un certain équilibre entre blanc et noir (fond et forme). Chaque geste, chaque coup de couteau est réfléchi. Je ne reviens jamais au blanc par dessus un trait malencontreux.
Je ne mélange pas le blanc et le noir, je cherche un contraste absolu: les seuls dégradés sont réalisés à la bombe, en utilisant généralement un cache ou un morceau de résille (en pochoir).
Ce qui me plaît dans ce travail, c'est que je ses précisément le moment où la peinture est terminée. Un coup de couteau de trop et c'est le drame.
J'ajoute l'oeil rouge en général au deux tiers de ma peinture, une fois le squelette de l'oeuvre posé. Il s'agit simplement d'un coup de bombe rouge, rehaussée d'un coup de bombe blanche. Il n'y a pas de recette fixe pour l'oeil, ça dépend du moment. J'achève ensuite le travail du noir en fonction de ce que la tâche rouge ajoute à la compo générale.
Voilà, en quelques mots, comment se passe l'essentiel du travail. Pour conclure, je vous poste simplement une image réalisée à la tablette graphique par un artiste sur DeviantArt, que j'ai depuis longtemps dans ma collection de favoris. Cette peinture digitale combine presque tout ce que j'ai évoqué ici. Amusant.
"Robot Rising" par Andreas Normand Gr�ntved.