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Les Carnets de Steiner Le blog d'un artiste peintre qui ne sait pas où il va, mais qui y va quand même. Mes humeurs, mon travail en cours, mais également des informations sur la technique et le processus créatif.

La question qui tue

Narcisse Steiner
Quand on est artiste, tôt ou tard, on éprouve le besoin de se mesurer. Je ne parle pas tant de compétition, de savoir qui est plus doué qu'un autre - encore que, pour certains, ce comportement est naturel - mais simplement de savoir ce qu'on vaut en tant qu'individu créatif. Autant dire que la question est périlleuse, partant du principe qu'on entre dans le domaine flou de l'objectivité.
 
Notre objectivité est mise à mal par de nombreux facteurs: en tant qu'auteur d'une oeuvre, on en connaît les rouages, les techniques, les émotions visées et ressenties lors de sa conception. L'effet de surprise est bien rare au sortir d'une oeuvre, et, généralement, elle est éphémère. Bien souvent, ce qu' on pourrait appeler "satisfaction" reste très superficielle. Il peut s'agir de l'emploi réussi d'une technique expérimentale, de la ressemblance frappante entre le sujet et son modèle ou de l'achèvement, pur et simple, d'une oeuvre longue et  complexe.

Mais comment connaitre sa qualité artistique? Comment savoir si une oeuvre est "bonne" ou "mauvaise"?
L'idéal serait de pouvoir se mettre dans la peau du spectateur, dans l'oeil de celui qui découvre sans être parasité par  la biographie de l'artiste, ses concepts définis, son idée originelle, ses influences, ses aspirations, son état d'esprit, le contexte dans lequel il a réalisé l'oeuvre.... Longue est la liste des informations indélébiles de notre mémoire de "concepteur".

A moins d'une amnésie conséquente qui nous ferait oublier notre travail et l'ensemble des parasites précités, il nous est extrêmement difficile de prendre le recul nécessaire au jugement qu'on y portera.
Difficile, mais peut être pas impossible.

On pourrait peut-être y parvenir en biaisant et en s'aventurant sur le terrain - veule, j'en conviens - de l'aspect financier de la chose. Autrement dit, on peut se poser la question suivante: si je n'étais pas moi, si ce travail que j'ai sous les yeux n'était pas le mien, achèterais-je une de mes toiles?

En ce qui me concerne, je répondrais en toute honnêteté que non, je m'investirais pas dans du Steiner. Peut être remarquerais-je l'effort, l'idée du peintre, peut-être en saisirais-je le fond, une partie du moins, de l'intention de l'artiste. Sûrement, je jugerais son travail inabouti, immature, bâclée peut-être.
Avec mansuétude, je me dirais qu'il y a chez lui un potentiel inexploité, un effort à fournir pour tirer de sa peinture quelque chose de plus pur, de plus affirmé. Peut-être même lui enverrais-je quelques encouragements et suivrais son évolution.

Mais voilà, ce jugement "objectif" que je porte à moi-même n'est-il pas une fois de plus pollué par mon manque de confiance en moi, par l'admiration que je porte à mes inspirateurs, par l'image idéalisée que je me fais de mon activité...?
En clair, en cherchant l'objectivité, je tombe dans l'excès inverse de la dépréciation. Au lieu de m'auto-admirer, de mettre des oeillères d'arrogance et de suffisance, je me sous-estime. Autant dire que je me suis convaincu de ma médiocrité.
Manque flagrant d'objectivité.

En résumé, et c'est à se demander quelle peut être la finalité de telles reflexions si on y apporte pas une solution miracle. Non, l'auto-objectivité n'est pas à notre portée.

Merde alors.
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